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Les N’gban, un sous-groupe Baoulé de Côte d’Ivoire

Un Peuple au Carrefour de l’Histoire et de l’Identité Baoulé

Les N’gban, également désignés sous le nom de Ngban, constituent un sous-groupe de l’ethnie Baoulé, qui fait elle-même partie du grand ensemble linguistique et culturel Akan en Côte d’Ivoire. Bien que pleinement intégrés à l’identité Baoulé, les N’gban se distinguent par une histoire et un parcours singuliers qui les positionnent de manière unique au sein du royaume. Leurs origines anciennes, leur rôle de guerriers, et leur résistance farouche face à la pénétration coloniale ont forgé une identité collective qui est, selon les sources, « bien différente » de celle de l’ensemble Baoulé en général.

Le présent rapport a pour objectif de fournir une analyse exhaustive de ce sous-groupe, en explorant les multiples facettes de son identité. Il est essentiel de souligner d’emblée une distinction terminologique cruciale pour éviter toute confusion. Les N’gban, d’origine Akan, ne doivent pas être confondus avec le peuple Gban (ou Gagou), qui appartient, lui, à l’aire culturelle des Mandé du sud. Le fait que ces deux groupes distincts partagent des noms phonétiquement proches met en évidence la complexité de l’ethnogenèse en Afrique de l’Ouest. Une analyse superficielle pourrait mener à une erreur d’affiliation culturelle. La N’gban est un sous-groupe des Baoulé, qui sont des Akan, tandis que les Gban sont liés aux Dan, aux Gouro et aux N’gen. Cette différence fondamentale révèle que l’identité d’un peuple n’est pas uniquement déterminée par un nom, mais par une construction historique et culturelle qui lie ses membres à une filiation linguistique et ancestrale particulière. Le fait que les N’gban se considèrent comme un peuple guerrier, le « front » des Baoulé, et les Gban comme « des puces » agiles, illustre également des imaginaires collectifs distincts et façonnés par des trajectoires différentes.

Chapitre I : Origines, Migrations et Territoire

Ce chapitre pose les fondations historiques et géographiques du peuple N’gban, en détaillant leur arrivée en Côte d’Ivoire et leur répartition sur le territoire, éléments fondamentaux pour comprendre leur singularité.

1.1. De l’identité Assaclat à l’intégration Baoulé

Les N’gban ne sont pas simplement une fraction des Baoulé ; leur histoire commence sous un autre nom : les Assaclat. Selon les traditions orales, ils se sont joints à la grande migration des Baoulé au 18e siècle, un mouvement conduit par la légendaire Reine Abla Pokou après une querelle de succession survenue en 1717, suite à la mort d’Ossey Tutu. La traversée du fleuve Comoé, événement fondateur qui donna son nom à l’ethnie Baoulé, est une étape clé de cet exode auquel les N’gban ont activement participé.

Leur nom actuel, N’gban, est lui-même le sujet de plusieurs traditions étymologiques. Une version narrative, empreinte de l’effort et de la difficulté du voyage, suggère que le nom a été donné à ceux qui « avaient mal aux pieds, qui ne pouvaient plus marcher, qui étaient comme atteints de ver de Guinée ». Cependant, une autre interprétation, plus en phase avec l’identité guerrière du groupe, affirme que N’gban signifie « front ». Dans cette version, les N’gban sont décrits comme une famille de guerriers qui constituait l’armée d’avant-garde des Baoulé. Ils auraient combattu des peuples tels que les Gouro, les Djimini, les Lobi et les Tagbana afin de fixer les frontières du royaume Baoulé naissant. Cette ambivalence étymologique illustre la dualité de leur identité : à la fois un peuple ayant enduré les épreuves de la migration et un groupe ayant joué un rôle martial décisif. Cette combinaison a fait des N’gban les inspirateurs de plusieurs autres sous-groupes Baoulé, tels que les Nanafoué et les Ahetou.

1.2. Géographie Humaine et Divisions Tribales

Le territoire N’gban est géographiquement fragmenté, ce qui a eu des implications significatives sur leur organisation politique et leur histoire de résistance. Ils sont principalement établis dans les sous-préfectures de Tié Ndiékro, Kpèbo, Taabo, ainsi que dans le département de Toumodi. On les retrouve aussi à Kpouèbo, Dida-Yaokro, Dida-Kouadiokro, et Didablé. Le village de N’Gban Kassê, dans le département de Didiévi et la région du Bélier, est un chef-lieu de commune, ce qui témoigne de sa centralité.

Les N’gban se divisent en deux entités principales : les N’gban-nord et les N’gban-sud. Les N’gban-sud sont localisés dans la région de Toumodi, tandis que les N’gban-nord occupent l’espace de l’actuelle sous-préfecture de Tié N’diékro et sont également présents dans 32 villages de la subdivision de Tiébissou. Cette fragmentation géographique du peuple en deux sous-ensembles, éloignés l’un de l’autre et sans un territoire contigu, a empêché la formation d’une structure monarchique unifiée. Leur organisation politique s’est donc développée de manière décentralisée, avec des foyers de pouvoir locaux au niveau des cantons et des villages. Cette décentralisation a paradoxalement contribué à leur résilience, car la résistance contre les colons a pu s’organiser sur différents fronts, avec des groupes distincts mais solidaires, comme en témoigne la résistance des N’gban-sud qui a incité celle des N’gban-nord. Cette structure sociale, non pyramidale mais segmentaire, a rendu le groupe difficile à soumettre d’un seul coup, car il n’existait pas de centre de pouvoir unique dont la chute aurait entraîné l’effondrement de l’ensemble.

Sous-groupe Département/Région Sous-préfectures/Localités clés
N’gban-sud Toumodi Kpouèbo, Dida-Yaokro, Dida-Kouadiokro, Didablé
N’gban-nord Didiévi, Tiébissou (Cercle de Bouaké) Tié Ndiékro, Raviart, Yaloukoukro, Youbouékro, Landounou
Ensemble Bélier N’Gban Kassê

Chapitre II : Organisation Sociale et Politique Traditionnelle

Ce chapitre explore les structures sociales et les dynamiques de pouvoir des N’gban, mettant en lumière un système de parenté complexe qui a déterminé leur cohésion et leur vulnérabilité face aux mutations historiques.

2.1. Un Système de Parenté Complexe : Bilinéarité et Clans

L’organisation sociale N’gban se distingue par un système de parenté bilinéaire, c’est-à-dire qui reconnaît à la fois la filiation patrilinéaire et matrilinéaire. Cette structure, bien que rare dans la région, est une source de résilience. D’une part, les N’gban s’organisent en lignages patrilinéaires appelés gligba, qui constituent l’unité de résidence et d’exogamie. C’est au sein du gligba que se déroulent les activités économiques de base, comme la production, la chasse collective, et que s’effectue la transmission des droits d’accès à la terre et des plantations. Le langage de la chasse sert d’ailleurs à décrire la structure de ces groupes, et c’est l’activité masculine par excellence, à l’opposé de l’agriculture, qui était traditionnellement une tâche féminine.

D’autre part, les N’gban appartiennent également à l’un des treize clans matrilinéaires appelés kpe. Ces clans n’ont pas de base géographique et regroupent les individus par la filiation maternelle, transcendant ainsi les divisions territoriales. Les clans kpe sont organisés en ensembles et en paires selon des relations à plaisanterie appelées gwe, qui ont pour fonction de servir de médiateurs dans les conflits, y compris à l’intérieur d’un même clan. Ce système de parenté dual a permis aux N’gban de développer des réseaux de solidarité multiples, créant une cohésion qui ne dépendait pas d’une seule lignée. Cependant, la bilinéarité a également présenté une vulnérabilité face aux stratégies coloniales. En ciblant les chefs de village et de canton, qui étaient les figures d’autorité des lignages patrilinéaires et les gestionnaires des unités de production et de résidence, l’administration française a pu démanteler le système politique et social local le plus visible. Cette politique a brisé l’unité de production et de sécurité locale, entraînant un « désarroi et une peur » qui ont poussé les populations à abandonner leurs villages, comme l’atteste la fuite vers les pays voisins.

Unité Sociale Principe de Filiation Fonctions Clés
Gligba (Lignage Patrilinéaire) Patrilinéaire Unité de résidence, d’exogamie, de production, de chasse, de défense, et de transmission des biens matrimoniaux
Kpe (Clan Matrilinéaire) Matrilinéaire Unité de parenté non géographique, regroupant des individus par la mère. Associe des groupes en fonction de relations à plaisanterie (gwe) qui agissent comme médiateurs dans les conflits

2.2. La Chefferie Traditionnelle et l’Héritage de la Résistance

La chefferie N’gban a toujours joué un rôle central, incarnant l’autorité et agissant comme le « véritable guide » de la communauté. Cependant, l’arrivée de la colonisation a transformé cette institution. Les Français, confrontés à une résistance opiniâtre, ont cherché à soumettre le peuple en ciblant délibérément ses chefs traditionnels. La répression coloniale s’est manifestée par l’arrestation de meneurs, comme le chef Alloko Alla, et par l’humiliation publique, comme ce fut le cas du premier chef de canton Kamlè Assièoussou, déchu en 1935 après avoir été accusé de vol. Ces actions visaient à « disloquer le système politique et social » N’gban en privant le peuple de ses dirigeants légitimes.

Aujourd’hui, l’institution de la chefferie est confrontée à de nouveaux défis. Certains villages se retrouvent sans chef depuis plusieurs années, comme c’est le cas à Akakro, où le trône est resté vacant de 2010 jusqu’à l’intronisation d’un nouveau chef. Face à cette situation, le gouvernement ivoirien a adopté une nouvelle loi pour donner un cadre légal aux rois et chefs traditionnels et leur octroyer des avantages, incitant ces derniers à s’organiser en une structure nationale, la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels. Cela illustre la continuité d’un processus de transformation de l’autorité traditionnelle, autrefois autonome et locale, vers une intégration dans le cadre de l’État moderne.

Chapitre III : L’Insurrection face à la Pénétration Coloniale (1901-1946)

Ce chapitre offre une analyse approfondie de la résistance N’gban, démontrant leur singularité historique et leur persistance face aux forces coloniales.

3.1. Les Racines d’une Résistance Farouche

L’identité N’gban est intrinsèquement liée à une histoire de révolte et d’insoumission. Bien avant l’arrivée massive des troupes coloniales, les N’gban avaient déjà combattu le colon blanc avant le 18e siècle, selon les traditions. Leur résistance a été révélée au grand jour lors de la construction du chemin de fer, où leur opposition a été particulièrement notable. La résistance des N’gban n’était pas un phénomène isolé, mais un trait de caractère collectif, partagé par les sous-groupes nord et sud. La résistance opiniâtre des N’gban-sud de Toumodi en 1899 a servi de catalyseur pour les N’gban-nord, les encourageant à s’opposer de la même manière à la pénétration française.

Les causes de cette insurrection étaient multiples et directes. Les N’gban ont farouchement refusé de se soumettre aux exigences de l’administration coloniale, notamment les travaux forcés, le portage du colon, et le paiement des impôts de capitation. Leur attitude, empreinte de « défiance et de mépris » à l’égard des administrateurs, mettait à mal l’autorité française. Cette culture de l’insoumission n’était pas une simple réaction spontanée, mais une posture historique profondément ancrée. La persistance de leur résistance sur plusieurs décennies, bien après que d’autres groupes aient été pacifiés, montre que l’opposition au pouvoir extérieur était un élément central de leur identité collective.

3.2. L’Incident de Raviart et ses Conséquences

Le point culminant de cette résistance est l’incident de Raviart en novembre 1939. Cet événement, qui a eu de « grandes répercussions dans le pays Baoulé », est le résultat d’une accumulation d’abus coloniaux. Il a été déclenché par l’arrestation du chef N’gban Alloko Alla par le commandant de cercle de Bouaké, Lacoste, alors que les N’gban s’étaient organisés pour ne pas se soumettre.

En réponse à cette résistance, les N’gban ont utilisé diverses tactiques, notamment la désobéissance, la désertion des villages, les attaques surprises, et même le recours au mysticisme. La riposte française fut d’une brutalité calculée. L’administration coloniale a dépêché une unité de garnison de Bouaké pour occuper le pays N’gban pendant 12 jours en novembre 1939. Le but de cette occupation militaire était de mater l’insurrection et de démanteler le système politique et social du peuple N’gban en arrêtant ses chefs et meneurs. La peur et le désarroi consécutifs aux menaces françaises ont conduit à l’abandon de villages et à la fuite des populations vers les pays voisins Agba et Faafouè. Finalement, les N’gban, affaiblis par l’arrestation de leurs leaders, ont fini par se soumettre à un adversaire mieux armé et plus tactique.

Année Événement Signification/Conséquence
1899 Revers des colons face aux N’gban-sud Encouragement pour la résistance des N’gban-nord
Période coloniale Révolte contre la construction du chemin de fer Révèle publiquement la résistance N’gban
1935 Humiliation du chef de canton Kamlè Assièoussou à Raviart Affaiblissement de l’autorité traditionnelle et signal de la politique de démantèlement
1937 Fermeture du poste de Tiébissou Permet aux N’gban de s’organiser sous le chef occulte Alloko Alla
Novembre 1939 Incident de Raviart et arrestation d’Alloko Alla Déclenchement de l’insurrection et de la répression militaire
Fin 1939 Répression coloniale et arrestation des chefs Démantèlement du système social et politique N’gban, fuite des populations

Chapitre IV : Économie, Migrations et Dynamiques Contemporaines

Ce chapitre établit un lien entre les activités économiques traditionnelles et les défis contemporains, en se concentrant sur les migrations et les conflits fonciers qui sont au cœur des préoccupations actuelles des N’gban.

4.1. Activités Traditionnelles et Mutations Économiques

Historiquement, l’économie N’gban était basée sur des activités de subsistance complémentaires. La chasse collective au filet était particulièrement valorisée et constituait une activité spécifiquement masculine et hautement ritualisée. Les N’gban pratiquaient également l’agriculture, cultivant le taro et le haricot, une activité traditionnellement féminine, bien que les hommes s’occupaient du défrichage. Ils étaient aussi artisans, travaillant le fer et le coton et possédant des petits troupeaux de bovins. Le commerce interethnique était l’affaire de « grands hommes » enrichis et se déroulait sur de longues chaînes d’échanges ou par des expéditions commerciales. Les N’gban sont également les fondateurs d’un centre commercial à Tiassalé, contribuant à l’installation d’autres cantons Baoulé.

Avec la colonisation, ces activités traditionnelles ont été bouleversées. Les Français ont imposé la culture du coton et du palmiste, ainsi que l’impôt de capitation, forçant les populations à se soumettre à un système économique colonial. Dans les régions forestières, les Baoulé ont créé de grandes plantations de café et de cacao, ce qui a modifié le paysage et les dynamiques locales.

4.2. Les Enjeux Fonciers et les Tensions Intergénérationnelles

Depuis la fin du 20e siècle, le peuple N’gban, comme d’autres groupes autochtones, est confronté à des tensions sociales aiguës, en particulier concernant l’accès à la terre. Ces conflits ne sont pas de simples disputes, mais la conséquence d’une série d’événements complexes et interconnectés. L’exode rural des jeunes N’gban vers les villes, notamment Abidjan, a permis à ces derniers d’acquérir une indépendance financière, notamment pour les dépenses matrimoniales. Cependant, cette migration a entraîné une perte de main-d’œuvre pour les aînés restés au village, qui, pour compenser, ont cédé des terres aux migrants, qu’ils soient ivoiriens ou étrangers.

L’échec de la migration urbaine, amplifié par la crise économique et le chômage à partir des années 1980, a ramené une fraction de la jeunesse au village. Ces jeunes « rurbanisés » se sont retrouvés face à une pénurie de terres disponibles, car la grande majorité avait été concédée à des planteurs migrants. Les frustrations accumulées ont alors été politisées, s’articulant autour d’un discours d’autochtonie contre les « étrangers » et les aînés accusés de collusion. Cette dynamique s’est particulièrement exacerbée lors du conflit politico-militaire de 2002, où les jeunes N’gban, désignés comme « jeunes patriotes », ont vu leur rôle de défenseurs du territoire officialisé, renforçant leur pouvoir politique et économique au sein des villages. Les tensions foncières sont donc le résultat d’un processus historique plus large, un épuisement du modèle de développement qui n’a pas tenu ses promesses de prospérité pour la jeunesse rurale.

Chapitre V : Expressions Culturelles et Pratiques Rituelles

Ce chapitre met en lumière l’art, la spiritualité et les pratiques traditionnelles des N’gban, démontrant leur rôle actif dans l’enrichissement du patrimoine Baoulé.

5.1. Art et Artisanat Baoulé : Le Cas des N’gban

Les N’gban sont profondément ancrés dans le panthéon et les expressions artistiques Baoulé. Comme les Baoulé en général, ils sont d’habiles sculpteurs. Le culte du Goli est une des pratiques rituelles les plus emblématiques de l’art Baoulé, et les N’gban en sont des gardiens notables. Le culte du Goli, un ensemble de quatre masques d’origine Wan, est centré autour de la figure du dieu du ciel, Nyamien. Le culte du Goli comporte plusieurs types de masques :

  • Kplè Kplè : un masque animal, premier à apparaître lors des cérémonies.
  • Kpan Kplé : orné de cornes de chèvre, présentant un visage humain.
  • Kpan : visage de jeune femme aux traits fins et scarifications rituelles.
  • Goli : masque-heaume le plus sacré, ne sortant que pour les grandes occasions.

Une source documente l’existence d’un masque-heaume Goli sacré dans un village N’gban, situé dans la région de Bouaké. Le fait qu’un masque aussi central et sacré dans la cosmologie Baoulé soit spécifiquement associé à une localité N’gban est une preuve que leur identité n’est pas simplement une assimilation passive de la culture Baoulé. Ils ont plutôt joué un rôle majeur et actif, devenant les dépositaires et les gardiens d’un des rituels les plus importants du panthéon Baoulé. Leur singularité historique, loin de les avoir tenus à l’écart, les a positionnés comme des acteurs essentiels dans la transmission et l’évolution de la culture Akan dans la région.

Masque Description Symbolisme/Utilisation
Kplè Kplè Masque rond à deux cornes, se présente en couple (mâle noir, femelle rouge). Annonce l’arrivée du Goli ; porté par de jeunes hommes lors de fêtes et de funérailles.
Kpan Visage féminin aux traits fins avec scarifications sur le front et les joues. Représente la féminité et la beauté.
Goli Masque-heaume en forme de tête de buffle et d’antilope bongo. Masque le plus sacré du panthéon Baoulé, divinité protectrice et fils de Nyamien. Localisé dans un village N’gban (région de Bouaké).

5.2. Musique, Danse et Médecine Traditionnelle

Les expressions culturelles N’gban incluent également la musique et la danse. Le N’dolo ou Aka est un rituel non-initiatique mais d’une grande importance, pratiqué par les femmes Baoulé lors des cérémonies villageoises. Il combine le chant, la danse et le jeu et sert de rite d’établissement social. Les N’gban pratiquent également le Goli, dont les danses sont originaires des Wan et ont été adoptées par les Baoulé après 1900.

En dehors des arts de la scène, la pharmacopée traditionnelle est une composante essentielle de la culture N’gban. Des études ethnopharmacologiques menées chez les Baoulé-N’gban de Toumodi ont permis d’identifier de nombreuses espèces de plantes médicinales utilisées pour le traitement du paludisme. La majorité des herboristes sont des femmes, et les parties de plantes les plus utilisées sont les feuilles, préparées le plus souvent en décoction. Ce savoir ancestral met en évidence le rôle central de la médecine traditionnelle dans les soins de santé ruraux et la richesse du patrimoine ethnobotanique de la région.

Conclusion : Une Identité Forgée par la Résilience et la Complexité

Le rapport d’expertise révèle que le peuple N’gban, loin d’être un simple sous-groupe des Baoulé, possède une identité distincte, forgée par une histoire complexe et un système social unique. À l’origine connus sous le nom d’Assaclat, ils se sont intégrés au royaume Baoulé en tant que guerriers d’avant-garde, un rôle qui a défini leur réputation de peuple combatif et insoumis. Leur résistance opiniâtre face à la colonisation, illustrée par les révoltes du début du 20e siècle et l’incident de Raviart en 1939, a renforcé cette identité et les a positionnés comme un symbole d’opposition au pouvoir extérieur.

Leur organisation sociale bilinéaire, qui allie les lignages patrilinéaires (gligba) et les clans matrilinéaires (kpe), a historiquement constitué une source de cohésion. Cependant, elle a également rendu le groupe vulnérable aux politiques de démantèlement ciblées par l’administration coloniale. Aujourd’hui, les N’gban naviguent les défis de la modernité, confrontés à des tensions foncières et intergénérationnelles, qui sont les conséquences directes d’un modèle économique qui a échoué à intégrer la jeunesse rurale.

Malgré ces bouleversements, le peuple N’gban a maintenu une forte résilience. Leur rôle de gardiens de rituels centraux, comme le culte du Goli, démontre qu’ils ne sont pas de simples récepteurs de la culture Baoulé, mais des contributeurs actifs qui ont façonné et enrichi le patrimoine Akan de Côte d’Ivoire. L’étude de leur trajectoire éclaire l’importance de l’analyse des identités multiples, qui se construisent à l’intersection de l’histoire, de la géographie, de l’organisation sociale et des dynamiques de pouvoir. L’histoire des N’gban est celle d’un peuple qui a su maintenir sa singularité tout en s’affirmant au cœur de la nation ivoirienne.

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